Il suffit de prendre du malt, du houblon, de l'eau et de laisser les levures faire leur travail en transformant les sucres en alcool et en dioxyde de carbone. Si cette lente magie de la chimie organique réussit, vous obtenez de la bière.
Bref c'est un jeu d'enfant !
En réalité, la fabrication d'un type de bière, si l'on veut que ses caractéristiques, arôme, goût, saveur, couleur, etc... soient constantes, est un petit peu plus complexe.


Les ingrédients

L'eau

Le caractère de la bière est affecté par la qualité et les sels minéraux de l'eau qui la compose dont les proportions influent considérablement sur la saveur du produit fini. Les premières brasseries recherchaient impérativement une bonne eau de source. Aujourd'hui, on abandonne les sources et les puits traditionnels pour éviter les risques de contamination. Les brasseurs préfèrent l'eau traitée des réseaux urbains, à laquelle grâce aux technologies modernes, ils peuvent ajouter les sels minéraux nécessaires à la reconstitution des eaux d'autrefois qui ont fait la réputation de leurs bières. Les brasseries sont d'énormes consommatrices d'eau. Il faut compter de 5 à 6 litres d'eau nécessaires à la fabrication d'un litre de bière.

Le malt

Le malt est le corps et l'âme de la brasserie. Le grain de céréale (orge, avoine, blé, seigle), partiellement germé et grillé donne non seulement l'alcool, mais aussi une grande partie du parfum et la couleur de la bière. Les bières les plus courantes sont fabriquées à partir de l'orge, car cette céréale a un haut rendement en sucre. Les bières "blanches " sont faites au malt de blé. L'avoine fut très utilisée pendant la seconde guerre mondiale, en raison de la pénurie d'orge.

Le houblon

Le houblon est une herbe grimpante, de la famille du chanvre, cousine du cannabis et de l'ortie.
Le houblon fut à l'origine incorporé à la bière pour améliorer sa conservation, surtout en été, en l'empêchant d'aigrir. De plus, en apportant son arôme amer, le houblon corrige la douceur sucrée du malt. Au fil du temps, le houblon est devenu l'incontournable épice de la bière en lui donnant son parfum et son goût amer caractéristiques. Le houblon possède des effets stimulants sur la digestion, et peut agir comme sédatif.

La levure

Le malt, le houblon et l'eau, sans levure ne produiront jamais de la bière. La levure est un micro organisme vivant et unicellulaire qui se multiplie à l'envi pendant le processus de fermentation en tirant l'énergie nécessaire à sa multiplication du sucre du malt qu'elle transforme en alcool et en gaz carbonique. La levure possède une vie propre et, avant que Pasteur, en l'observant à travers un microscope, ne découvre son rôle dans la fermentation, le mystère était total pour les brasseurs.
La levure devenait parfois anarchique et rendait la bière imbuvable.

Les ingrédients additionnels

Bien que les quatre ingrédients de base - eau, malt, houblon et levure - soient suffisants pour fabriquer de la bière, certains brasseurs leur ajoutent souvent d'autres substances, pour obtenir un arôme différent ou pour en baisser le coût. Les brasseurs qui refusent la tentation des additifs appellent fièrement leur bière des "pur malt".
Les additifs :   le sucre qui fermente facilement et donne beaucoup d'alcool, les pétales de maïs ou le riz (Bud) pour baisser le coût, le froment torréfié pour empêcher la mousse de retomber, l'orge grillée (Guinness) pour noircir la bière.
Les agents de sapidité :  pour parfumer la bière : le miel, le piment, les épices comme le gingembre, les herbes comme la coriandre et surtout les fruits, cerise, framboise, fraise ou même banane.

 

La fabrication

La fabrication de la bière est organisée autour de cinq grandes étapes :
- le maltage.
- le brassage.
- la fermentation.
- la maturation et la garde.
- la filtration.
A chaque stade, le respect scrupuleux des procédés est garant de la qualité du produit fini.

Le maltage

La bière est le résultat de la fermentation d'un jus sucré provenant d'une céréale (orge, avoine, blé, seigle, maïs, riz ou autres), ce qui la différencie du vin et du cidre qui sont le résultat de la fermentation de jus sucré de fruit.
La céréale, dans son état naturel, est peu sensible à la fermentation. Pour l'aider, on procède au maltage. Le maltage a pour objectif de dégrader l'amidon contenu dans la céréale pour qu'il se transforme plus facilement en sucre au moment du brassage.

Le maltage s'effectue en quatre étapes :

la dormance : quand l'orge arrive des champs, il est nettoyé et mis à sécher (1 à 2 mois) pour éviter de moisir ou de germer prématurément.

Le trempage : Le grain est trempé pendant 2 ou 3 jours dans de vastes cuves pour le gorger d'eau et faciliter ainsi la germination.

La germination : Le grain mouillé est étalé sur des "germoirs" pendant environ 5 jours. Les radicelles sortent des grains. Ce processus essentiel active la transformation des amidons du grain en sucre.

Le touraillage (cuisson du malt) : Au bout de 5 jours, la germination est stoppée pour ne pas perdre les sucres qui se sont formés. Ce " malt vert" est soumis à de hautes températures, c'est le touraillage. C'est à ce moment que les arômes, le goût et la couleur se révèlent. Plus on augmente la température, plus on obtient des malts caramélisés, voire foncés. Certains malteurs utilisent des tourailles à feu de bois pour donner au malt un goût de fumée. Le grain de malt est ensuite débarrassé de ses radicelles. Il présente une texture croquante à la saveur de noisette.

Le brassage

L'extraction des sucres :  La première étape de la fabrication de la bière commence dans les moulins où les grains de malt sont concassés en un mélange grossier, la farine de malt. Cette farine est mélangée à de l'eau chaude (empâtage), chauffée à feu doux (entre 60°C et 65°C) et brassée pour que l'amidon contenu dans le malt se transforme en sucre fermentescible. Ce chaud mélange est arrosé plusieurs fois d'eau chaude pour que les sucres se dissolvent complètement en donnant un liquide épais, la 'maische'. Filtrée une première fois et débarrassée des résidus des céréales, 'les drêches', la maische devient 'bouillon'.

le brassage : Le 'bouillon' est mis à bouillir (100 °C) dans la chaudière à houblonner pendant une heure ou davantage, ce qui permet de le stabiliser en détruisant les enzymes du malt, et le stériliser en stoppant toute action des bactéries. Pendant la cuisson, on incorpore soigneusement le houblon nécessaire pour l'obtention de l'amertume et du parfum souhaités. Son rôle est important. Il fournit, par l'intermédiaire de ses huiles essentielles, deux acides qui stériliseront et donneront l'amertume à la bière. Le houblon agit en qualité d'agent préservateur et stabilisateur.
Quand la cuisson est terminée, le bouillon est à nouveau filtré pour éliminer les restes de houblon, avant de le refroidir à moins de 30°C, pour le préparer à la fermentation. Une température supérieure à 30°C détruirait les levures utilisées.
C'est le moût. Doux, amer et savoureux, mais encore loin du produit bière !

La fermentation

Le moût quitte la salle de brassage pour être refroidi à la température de fermentation voulue, autrefois dans des grands bacs ouverts à l'air, aujourd'hui dans des éléments réfrigérants. Lorsque le moût est dans les cuves de fermentation, il reçoit la levure qui pendant une à deux semaines va transformer le sucre en alcool tout en produisant du gaz carbonique.

Il existe 3 types de fermentation :

La fermentation haute :
Elle est réalisée à une température relativement élevée de 18° à 28°c. avec de la levure de culture «Saccharomyces cerevisiae».
La levure remonte en surface dans un bouillonnement tumultueux et forme une couche épaisse qu'il faut parfois écumer pour éviter le débordement. C'est cette fermentation qui produit les bières fortes, originales, corsées de type 'ale' : bières de garde, stout, bières trappistes ou d'abbaye.

La fermentation basse :
Elle est réalisée en cuves réfrigérées à une température entre 8° et 14°c. avec de la levure de culture «Saccharomyces carlsbergensis». La levure se dépose au fond des cuves. Cette fermentation produit des bières plus dépouillées et moins parfumées, les 'lager' : pils, bocks.

La fermentation spontanée : 
Ce type de fermentation correspond à la fabrication de la bière des siècles passés avant que la levure ne soit isolée et cultivée. Le moût est placé dans de gigantesques bacs à l'air libre. La fermentation spontanée s'effectue par ensemencement au contact de levures naturellement contenues dans l'air. Elle demande un contrôle important afin de ne pas produire des bières déséquilibrées et trop acides. L'exposition à la levure naturelle n'a lieu qu'en période froide, d'octobre à avril. Elle entraîne une fermentation complexe qui peut durer parfois plusieurs années, comme le vin. Elle produit des bières au goût acide, qui ne moussent pas ou peu de type 'lambic' : gueuze, faro.

Particularité : La fermentation 'Double Drop' : 
La fermentation 'Double Drop' ou double fermentation de 'chute' fut durant la première moitié du 20°siècle la méthode la plus populaire de fermentation des ales anglaises traditionnelles.
Elle consistait à commencer la fermentation du moût dans une cuve placée en hauteur, puis, le deuxième jour de la fermentation, de 'laisser tomber' ce liquide dans une autre cuve placée plus bas par simple gravité, où la bière continuait sa fermentation pendant deux ou trois jours.
Cette méthode avait deux effets bénéfiques principaux :
- épuration de la bière partiellement fermentée, en laissant dans la première cuve les résidus de protéine et les levures oxydées qui peuvent causer un goût désagréable dans la bière finale,
- aération du moût, permettant une meilleure croissance des levures, ce qui développe des saveurs particulières.
Au fur et à mesure de la modernisation des brasseries où la technologie actuelle permet d'imiter ces deux effets, le 'Double Drop' a pratiquement été abandonné partout. La brasserie de Wychwood en Angleterre étant l'un des derniers brasseurs traditionnels à utiliser cette méthode à partir des cuves originelles récupérées dans l'ancienne brasserie Brakspear.

La maturation et la garde

Après cette première fermentation, le liquide résultant est filtré. C'est la "bière verte". Elle est placée dans des cuves de garde à une température de 0°c. pour y mûrir, s'affiner et acquérir son arôme. La longueur et la nature de cette dernière opération diffèrent selon les bières. Rapide pour certaines ales peu alcoolisées, elle peut durer de plusieurs semaines à plusieurs mois où durant ce temps la bière parfait son bouquet.
C'est la bière de garde.

Refermentation en bouteille :
Certains brasseurs rajoutent des levures dans les bouteilles où la bière est stockée après le soutirage. La bière ainsi traitée refermente en bouteilles. (Si la bière a déjà subi deux fermentations avant la mise en bouteilles, on peut parler de triple fermentation, à ne pas confondre avec l'appellation 'triple' que l'on rencontre parfois sur certaines bières, et qui indique que le brasseur a mis jusqu'à trois fois plus de malt pour fabriquer une bière plus forte).
Refermentée en bouteille, la bière présente un aspect trouble dû au dépôt de levures. Non filtrée, c'est une
'bière sur lie' (Hefe en allemand). Gouleyante, elle exhale des flaveurs très puissantes et se montre une source naturelle de vitamine B.

La filtration

Étape finale de la fabrication, elle permet au filtreur lors du passage de la bière dans un filtre à poches de Kieselghur de surveiller la brillance, la couleur, la teneur en gaz carbonique ainsi que la densité.

Après une ultime filtration qui lui confère limpidité et brillance, la bière fraîche et pétillante est prête au soutirage.

La pasteurisation

Pasteuriser une bière, c'est assurer sa stabilité définitive par un procédé thermique plus ou moins long. L'échauffement du produit est destiné à détruire les éventuelles bactéries qui ont pu se développer au cours de la fabrication.
L'inconvénient du procédé est qu'il supprime aussi certaines vitamines sensibles à la chaleur.

Aussi, certains brasseurs, qui estiment que les propriétés anti-septiques du houblon, le milieu acide mais aussi la présence d'alcool et de gaz carbonique qui forme un écran avec l'air ambiant écarte toutes possibilités de développement de bactéries pathogènes, ne pasteurisent pas leurs bières.
Cet effet recherché permet à la bière non pasteurisée de rester "vivante", d'évoluer avec le temps, et de conserver toutes ses vitamines.